Les membres de la cour constitutionnelle enfin nommés
C’est fait! C’est le mardi 4 avril 2017 que S.M. le Roi a reçu à Casablanca le président et les membres de la nouvelle Cour constitutionnelle et les a nommés dans leurs fonctions. Cette institution est composée de 12 membres pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Six d’entre eux sont désignés par le Roi, parmi lesquels un membre est proposé par le Secrétaire général du Conseil supérieur des Oulémas. Les six autres sont élus par moitié par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.
Comment sont choisis tous ces membres de cette juridiction constitutionnelle? Les dispositions de l’article 130 de la loi suprême énoncent un certain nombre de critères à cet égard: une haute formation dans le domaine juridique, une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, l’exercice de leur profession depuis plus de quinze ans, enfin qu’ils soient reconnus pour leur impartialité et leur probité. Le choix final répond-il à tous ces paramètres? Du côté des spécialistes, diverses observations sont déjà formulées. La première a trait au fait que les six membres élus par le Parlement ne répondent pas vraiment à ces critères, au moins pour ce qui est d’une spécialisation couvrant les attributions de la Cour constitutionnelle. Une autre remarque regarde pratiquement l’absence de constitutionnalistes parmi les six autres membres désignés par le Roi.
Ainsi, tant le nouveau président, Saïd Ihrai, que Hassan Boukantar ou Ahmed Salmi al Idrissi sont des professeurs de relations internationales qui ont très peu investi ailleurs. Ainsi encore, Abdelahad Dekkak (premier président de la Cour d’appel de Meknès) et Saïda Belmir (ancienne présidente de chambre à la Cour suprême) sont des magistrats. Celle-ci a été proposée d’ailleurs par le Conseil supérieur des Oulémas, dont elle est membre. Elle était déjà membre du Conseil constitutionnel jusqu’à 2005.
Et elle est donc la seule femme dans une Cour constitutionnelle, qui compte onze membres. Pourquoi une telle situation, jugée fort éloignée de l’esprit, sinon de la lettre, des dispositions de l’article 19 de la Constitution relatives à la mise en oeuvre de “la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes”? Surtout que, par ailleurs, les six membres élus par le Parlement étaient tous des hommes. Le “plafond de verre” donc que l’on n’arrive pas –ou que l’on ne veut pas– dépasser… Une dernière observation ne manque pas d’intérêt. L’on ne peut en effet évacuer le fait qu’aucun des 18 membres de la Commission consultative de révision de la Constitution présidée par Abdeltif Menouni n’a été choisi.
Pourtant, celle-ci comptait au moins quatre professeurs de droit constitutionnel: Abdelaziz Lamghari, et trois femmes, Rajae Mekkaoui, Amina Messaoudi et Nadia Bernoussi. D’aucuns vont même jusqu’à y voir une mauvaise appréciation du côté du Méchouar du produit livré par cette commission avec ces insuffisances, notamment la rigidité de l’article 47, celle aussi de la séance mensue...
Cela dit, il faut bien relever qu’il a fallu près de six ans pour que la nouvelle Cour soit enfin nommée officiellement, ce qui a traduit bien de la lenteur dans le processus d’implémentation de la Constitution de 2011. En effet, la Cour statue sur la régularité de l’élection des parlementaires ainsi que sur les opérations de référendum. Elle se prononce avant leur promulgation sur les lois organiques ainsi que sur les règlements des deux Chambres du Parlement avant leur mise en application. Elle est également compétente pour ce qui est des lois avant leur promulgation, soit à l’initiative du Roi, du Chef du gouvernement, du Président de l’une des deux Chambres du Parlement, à celle du cinquième des membres de la Chambre des représentants ou de quarante membres de la Chambre des conseillers (art.132). Par rapport au Conseil constitutionnel, ses attributions ont été élargies: le contrôle de constitutionnalité des accords internationaux, exception d’inconstitutionnalité au cours d’un procès ouvert à une partie arguant d’une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
La nouvelle Cour constitutionnelle est bien une juridiction. Elle a pour tâche de dire le droit et d’en faire application à des cas d’espèces. Ses décisions bénéficient de l’autorité de la chose jugée et s’imposent sans aucun recours à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Un socle de l’État de droit, une vigie aussi...