SOMMET ARABO-MUSULMAN SUR LA PALESTINE

Sommet arabo-musulman sur Gaza : À Riyad, l’unité arabe montre ses limites


Le sommet arabo-musulman du 11 novembre 2023 a été animé par un certain sentiment d’unité autour de la cause palestinienne. Mais face aux clivages profonds, rien de concret pour mettre fin au carnage en cours à Gaza.

Une condamnation ferme et unanime malgré les profondes divergences, mais pas de mesures politiques et économiques punissant de manière effective Israël. C’est ainsi que l’on peut résumer les résultats du sommet qui a réuni, le 11 novembre 2023 à Riyad, les dirigeants des États arabes et musulmans pour appeler à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, où plus de 11.500 personnes, dont plus de 4.700 enfants et 3.500 femmes ont été tuées par l’armée israélienne depuis le déclenchement des hostilités le 7 octobre 2023.

Profondes divergences internes
Dans sa déclaration finale, le sommet conjoint Ligue arabe-Organisation de la coopération islamique (OCI) a rejeté les arguments d’Israël qui avance que son opération militaire en cours à l’encontre de l’enclave palestinien ne s’incrirait dans le cadre de la «légitime défense». Les participants ont appelé également le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) à adopter une résolution contraignante pour mettre fin à l’agression israélienne. Un objectif qui semble pour l’instant inatteignable, alors que l’État hébreu et son principal allié, les États-Unis, se sont opposés jusqu’à maintenant à toute demande de cessez-lefeu.

Pour sortir de cette impasse, certains pays arabes auraient appelé à des mesures plus sévères, comme la rupture de tous liens diplomatiques et économiques avec Israël et celle l’approvisionnement en pétrole de ce pays et de ses soutiens notamment en Occident, comme l’indiquent les indiscrétions qui ont fuité du sommet dans la presse arabe et internationale. Relevant de la surenchère et de l’utopie plus qu’autre chose, ces mesures ont été rejetées sans grande surprise.

Certes, les images des horreurs perpétrées par les forces israéliennes à Gaza ont insufflé une certaine dynamique au sein de la Ligue arabe et généré un sentiment d’unité autour de la cause palestinienne, poussant même le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane -dont le pays menait pourtant des discussions pour normaliser avec Israël, avant que l’attaque du mouvement palestinien du Hamas ne gèle tout- à affirmer dans son discours à l’ouverture du sommet qu’il tenait les autorités d’occupation pour responsables des crimes commis contre le peuple palestinien. Mais comme à chaque réunion du genre, les profondes divergences internes en fonction des alliances internationales des États membres affaiblissent la posture de l’organisation panarabe face à ses interlocuteurs occidentaux, l’empêchant ainsi d’adopter des mesures punitives contre Israël ou même d’appliquer les autres mesures, jugées moins sévères, contenues dans la déclaration finale.

Un situation d’impuissance indéniable avouée même par l’un des chefs d’États présents lors du sommet. «Si nous ne disposons pas de véritables outils de pression, toute mesure que nous prenons ou tout discours que nous prononçons n’a aucune signification», a asséné le président syrien, Bachar el-Assad. D’après celui-ci, aucun pays du Moyen-Orient ne devrait s’engager dans un processus politique avec Israël, y compris dans le développement de relations économiques, tant qu’un cessez-le-feu durable n’aura pas été mis en place.

Machine de guerre israélienne
De quoi laisser un sentiment de déception chez les premiers concernés par la tragédie en cours, en l’occurrence les Palestiniens. Si ces derniers ne s’attendaient pas visiblement à des annonces fracassantes ou à des sanctions à la hauteur de la violence de la machine de guerre israélienne, il n’en demeure pas moins qu’ils espéraient au moins que les pays arabes allaient profiter du sentiment de solidarité populaire, que l’on retrouve même dans les sociétés occidentales et illustré par les interminables manifestations pro-palestiniennes, afin de pousser d’imposer l’entrée à Gaza d’aides d’urgence en grandes quantités par la voie du poste-frontière de Rafah avec l’Égypte et ainsi soulager la situation humanitaire très tendue dans la bande.

Échec arabe
Côté marocain, le roi Mohammed VI a appelé, dans un discours lu par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, à un sursaut de la conscience humaine et à une action commune pour que cesse le massacre de vies humaines. Mais l’échec arabe à déboucher sur des mesures réalisables n’est pas forcément synonyme d’échec pour tous les pays participants. Les deux puissances nonarabes de la région, en l’occurrence l’Iran et la Turquie, ont profité de l’événement pour marquer des points. Premier président iranien à se rendre en Arabie saoudite depuis plus de dix ans, Ebrahim Raïssi a été fidèle à la position hostile classique de son pays vis-à-vis d’Israël, poussant les limites de la surenchère encore plus loin en appelant les pays islamiques à désigner l’armée israélienne comme une organisation terroriste et à se préparer à armer les Palestiniens si les crimes de guerre d’Israël se poursuivaient. Pourtant, M. Raïssi n’aurait pas montré le moindre signe d’opposition lors de l’élaboration de la déclaration finale, dont le contenu aura été finalement beaucoup moins virulent envers Israël.

Pressions occidentales
De son côté, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a encore une fois défendu de manière ouverte le Hamas, refusant de qualifier celui-ci d’organisation terroriste, malgré les pressions occidentales. Une position qui pour être perçue comme une réponse indirecte aux déclarations faites par le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dans intervention télévisée le jour même du sommet dans lesquelles il a estimé que les dirigeants arabes devaient s’élever contre le Hamas, qu’il a décrit comme une partie intégrante de l’axe du terrorisme mené par l’Iran.

L’intervention de M. Erdogan semblerait plus pro-plaestinienne comparée à celle de plusieurs États arabes qui, tout en dénonçant la barbarie israélienne, évitent d’appuyer le groupe islamiste, voire le dénoncent de manière implicite dans certains cas. La déclaration finale du sommet de Riyad n’a d’ailleurs pas mentionné le Hamas et son éventuel rôle dans un Gaza post-guerre, tout en rappelant que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) demeure le seul et unique représentant légitime du peuple palestinien et exhortant toutes les factions et les forces palestiniennes à s’unir sous son égide.

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