Le roi d'Espagne annoncé en janvier 2018 au Maroc


Voisins et bien plus encore


Felipe VI devrait, pour la deuxième fois depuis son intronisation, se rendre au Maroc pour une visite qui s’annonce marquée par la dominante économique.

Pour la deuxième fois depuis son accession au trône, Felipe VI d’Espagne devrait bientôt se rendre au Maroc. C’est du moins ce qu’annonce le ministre des Affaires étrangères espagnol, Alfonso Dastis, qui dans une interview publiée le 15 décembre 2017 par EFE révèle que le monarque ibérique et son épouse Letizia effectueraient «selon toutes les prévisions» en janvier prochain une visite d’État au Royaume.

Et d’ajouter que cette visite devait avoir lieu en novembre dernier mais qu’elle avait été reportée en raison du sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE), qui s’est tenu les 29 et 30 novembre à Abidjan et avait connu la participation du roi Mohammed VI.

Situation de blocage
Dans un article publié trois jours plus tard, le quotidien ABC a précisé que la visite aurait lieu à partir du 9 janvier et durerait trois jours, soit une journée de plus que la «visite de présentation» réalisée par le couple royal espagnol en juillet 2014 (Felipe VI venait alors d’être intronisé après l’abdication de son père, Juan Carlos Ier, et c’était son premier déplacement officiel en dehors de l’UE). Citant des sources dignes de foi, le journal explique que Don Felipe et Doña Letizia avaient depuis quelque temps déjà dans l’idée de revenir au Maroc, suite à invitation de Mohammed VI, mais que la situation interne de leur pays les en avait empêchés.

D’abord, la situation de blocage qui avait pendant plusieurs mois laissé l’Espagne sans gouvernement, jusqu’aux élections de juin 2016 qui avaient pour la troisième fois de suite donné la première place au Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy. Ensuite, la crise en Catalogne, qui devait connaître un dénouement à l’issue des élections régionales de ce 21 décembre (le parlement catalan avait pour rappel, le 27 octobre dernier, proclamé l’indépendance unilatérale de la région). Rappelons qu’à ce sujet, le Maroc avait complètement pris fait et cause pour Madrid, et ce avant même le référendum organisé le 1er octobre par le gouvernement catalan. «Le royaume du Maroc, fidèle comme il l’a toujours été au respect des principes du droit international, rejette le processus unilatéral d’indépendance de la Catalogne, et exprime son attachement à la souveraineté, à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du royaume d’Espagne,» réagissait le 11 octobre le gouvernement marocain, après que le parlement catalan ait entamé le processus d’indépendance (à l’issue de la victoire à plus de 90% du oui).

Promouvoir la coopération
Le Maroc avait alors refusé de reconnaître ledit processus et l’avait qualifié d’«irresponsable et non viable» et de porteur «d’instabilité et de division non seulement en Espagne, mais dans tout son voisinage européen». Pour en revenir à la visite de Felipe VI, ABC révèle que des activités culturelles et entrepreneuriales seraient à l’ordre du jour. Ainsi, le titulaire du trône d’Espagne pourrait participer, aux côtés de Mohammed VI, à une journée qui aurait lieu à Casablanca et à laquelle prendraient part deux cent entrepreneurs marocains et espagnols. Il s’agirait en fait d’une activité du fameux Conseil économique Maroc-Espagne (CEMAES), que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et son homologue de la Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales (CEOE) ont récemment inauguré au titre d’une convention signée lors de la visite de Juan Carlos Ier au Maroc en juillet 2013. Le CEMAES avait été qualifié par le président de la CEOE, Juan Rosell, lors d’une rencontre de présentation le 8 novembre dernier à Madrid, d’outil pour promouvoir la coopération bilatérale, notamment dans le domaine des entreprises.

«Le CEMAES est un pari conjoint de la CEOE et de la CGEM, qui générera de l’information et de la documentation commune et ouvrira le commerce non seulement entre les deux pays, mais aussi en tant que porte d’entrée vers des marchés tiers,» avait-il affirmé.

À cet égard, il faut souligner que le royaume ibérique cherche actuellement à récupérer sa place de premier partenaire économique du Maroc, qu’il vient de perdre au profit de la France après quelques années de domination. Il semble en tout cas en pôle pour ce faire: au premier trimestre de cette année, il était ainsi son premier client européen (43,5% des importations communautaires) et son premier fournisseur (34,1% des exportations communautaires vers le Royaume).

Par ailleurs, la ministre espagnole chargée du Commerce, Marisa Poncela García, avait déclaré à l’issue d’entretiens qu’elle avait eus le 3 octobre dernier à Rabat avec le ministre de l’Économie et des Finances, Mohamed Boussaïd, que le Maroc représente un hub vers l’Afrique pour les entreprises espagnoles. Elle avait également estimé, à cette occasion, que les deux voisins n’étaient pas uniquement deux marchés, mais deux partenaires stratégiques.

Des sujets fâcheux
Lors d’une réunion qu’ils avaient eue le 6 septembre dernier également dans la capitale, le chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, et la présidente du congrès des députés espagnol, Ana Pastor Julián, avaient pour leur part réitéré leur détermination à poursuivre l’échange des expériences en matière de développement économique et social (sur notamment les questions de réforme des systèmes de retraite, de renforcement de la capacité des économies nationales pour la création de plus d’emplois, à la promotion de l’investissement, etc.).

C’est dire donc si la visite de Felipe VI tombe à point nommé. Reste toutefois des sujets fâcheux, qu’ABC, dans les détails qu’elle donne sur la visite, ne se garde pas de citer. En premier lieu vient la question de la migration irrégulière, dont les présides occupés de Sebta et Melilla sont régulièrement la cible, et qui d’après le journal a récemment augmenté «de façon spectaculaire».

Coopération sécuritaire
Si on ne peut bien sûr nier l’ampleur du phénomène, qui avait carrément amené Sebta à fermer son poste-frontière avec le Maroc le 9 août dernier, on ne peut manquer de retrouver en creux les accusations récurrentes d’une partie de la presse espagnole à l’encontre du Royaume, l’accusant notamment de faire du chantage à Madrid pour lui soutirer telle ou telle position sur quelque sujet que ce soit (notamment sur le différend du Sahara).

Or les responsables ibériques, qu’on imagine mal être diplomates sur un tel sujet, se félicitent de la collaboration du Maroc en la matière. Enfin, autre sujet d’intérêt bilatéral, la lutte antiterroriste, qui, comme on le sait, donne lieu depuis quelques années à une coopération accrue entre les services de renseignement des deux pays, au point où le Royaume participe désormais à des coups de filets sur le sol espagnol même. En août dernier, le Maroc avait ainsi joué un rôle clé dans l’enquête sur les attaques de Catalogne.

Le gouvernement espagnol avait à cet égard remis, en octobre 2014, la croix honorifique de mérite policier à Abdellatif Hammouchi, en tant que directeur général de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), pour les nombreux services rendus par le Royaume à leurs homologues espagnols.

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