Un regard rétrospectif sur les seize années écoulées atteste de plusieurs faits significatifs à propos du Roi et du Sahara marocain. Le premier d’entre eux est sans doute la mise à plat d’une certaine forme de gouvernement qui avait prévalu, en particulier sous la houlette de l’ancien ministre de l’Intérieur, Driss Basri.
Quels ont été alors les griefs? D’avoir une gestion sécuritaire, pratiquement tronquée, des réalités des provinces sahariennes récupérées; d’avoir coopté et promu certaines tribus et pas d’autres, portant ainsi atteinte à un lien social qui, au lieu de se renforcer, s’est distendu; enfin, d’avoir pratiqué une politique publique à fonds perdus, sans efficience, faisant le bonheur et la fortune d’une “nouvelle couche” de nantis, et ce, au détriment des populations.
Le tableau dressé devant le Souverain dans les premiers mois de son intronisation était accablant; il appelait une révision déchirante des politiques mises en oeuvre jusqu’alors ainsi que des hommes chargés de leur application.
Ce travail a été fait par étapes, même si des “têtes”, par trop marquées, devaient tomber –question de symbole. Autre fait participant de cette même démarche: la légalité et l’ordre public. Mohammed VI n’entendait priver personne de ses droits et de ses libertés –ni au Sahara ni ailleurs– et il a attaché du prix à ce que l’autorité de l’État soit respectée.
Poursuivant dans cette même ligne, il a priorisé, comme dans les autres régions du Royaume, la politique sociale tant il est vrai que ce qui avait été entrepris dans ce domaine était insuffisant alors que les inégalités s’aggravaient, laissant sur le chemin des dizaines de milliers d’habitants et des milliers de jeunes sans emploi. Il a fallu cependant attendre l’année 2013 pour que le Conseil économique et social, après des mois d’étude de terrain, publie, le 6 novembre, son rapport sur le nouveau modèle de développement des provinces du Sud. Plus qu’un rapport, il s’agit d’une vision novatrice déclinée autour d’axes et de mesures opératoires.
L’esprit de cette réforme proposée alors se fonde sur l’autonomie de décision des conseils régionaux; la décentralisation dans la planification; la fin des subventions pour leur substituer un système d’aides directes aux populations pauvres; enfin, la mise en équation d’une économie de rente au profit d’une promotion de l’esprit d’entreprise.
Des orientations royales ont constitué la trame et le cadre de cette approche. Nul doute que le Souverain avait en tête un autre objectif: finaliser un modèle cohérent pouvant être repris, même avec des variantes liées aux vocations et aux spécificités particulières de chaque région. Le niveau retenu allait plus loin en s’inspirant d’une profonde décentralisation qui était également, parmi d’autres priorités, un chantier de règne. (Lire le dossier de couverture pages 18-25). Avec la Constitution de juillet 2011, s’ouvre une nouvelle séquence.
La forte avancée qui s’opère alors a trait à l’érection des régions comme nouvelles collectivités territoriales au côté des communes et des provinces et préfectures. Le canevas général des principes de cette réforme avait mûri. Faut-il rappeler que celle-ci avait déjà été formulée quatre ans auparvant, en avril 2007, avec l’Initiative marocaine d’autonomie interne présentée au Conseil de sécurité, un projet offrant un plan de règlement de la question nationale?
Au fond, si le Roi avait bien un projet démocratique national, dès le début de son règne, voilà que les provinces méridionales constituent une excellente opportunité pour asseoir le pays sur la base d’une régionalisation avancée. La dynamo en était le Sahara, qui allait ainsi induire tant un modèle économique qu’institutionnel et politique. Ce volontarisme royal ne se limitait pas à ces seuls aspects.
Il se vérifiait aussi dans les positions marocaines devant les instances internationales, onusiennes et autres. De la bonne volonté, Rabat n’en manquait pas; le principe de négociation était également retenu; la recherche d’un règlement bouclait l’action diplomatique. Mais les paramètres qui devaient primer étaient ceux-là mêmes arrêtés par le Conseil de sécurité.
En tout état de cause, quelles que soient les pressions et les manoeuvres des uns et des autres –parfois du côté de ceux que l’on considérait comme des “amis“ et des “partenaires stratégiques”…
il y avait bien du négociable, certes, mais aussi du “non-négociable”. Vent debout, S.M. Mohammed VI a tenu bon, fort des titres historiques et juridiques du Royaume et de la totale mobilisation du peuple autour de cette cause nationale. Le Sahara? Marocanité pérenne –pas un pouce de territoire ne sera cédé…