UN RAPPORT ÉTABLI PAR LA BANQUE MONDIALE ET BANK AL-MAGHRIB

Le secteur bancaire marocain vulnérable au changement climatique

Les changements climatiques ont des retombées négatives indirectes sur le secteur financier marocain en général et le secteur bancaire en particulier. Une analyse plus approfondie des risques financiers liés au climat est recommandée pour éviter des conséquences fâcheuses à l’avenir.


Longtemps dit résilient, le secteur bancaire marocain se trouve être négativement impacté par les changement climatiques? Dans un document publié conjointement par Bank Al Maghrib et la Banque mondiale intitulé «Double inquiétude? Évaluation des risques physiques et de transition climatique pour le secteur bancaire marocain», les deux institutions ne renie pas l’existence d’un risque qui prend de plus en plus d’ampleur.

Le rapport, qui souligne le besoin urgent d’une meilleure évaluation et gestion des risques climatiques, a été rédigé à un moment où le Maroc fait face à une crise liée au climat. «La sécheresse a entraîné une production céréalière exceptionnellement faible, avec production en baisse de 67% par rapport à l’année dernière. Ceci, combiné avec les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale associées à la guerre en Ukraine, a entraîné une forte inflation des prix alimentaires intérieurs et des impacts économiques de grande envergure», lit-on dans le document.

Il en résulte, dans la même lignée, que le secteur bancaire au Maroc pourrait être de plus en plus vulnérable à la transition climatique. Même si l’impact du changement climatique n’est peut-être pas systémique à l’échelle du système financier, les impacts climatiques pourraient varier considérablement d’une banque à l’autre, plusieurs banques étant susceptibles d’être fragilisés par les impacts de ces risques.

Le secteur bancaire peut être subdivisé en trois sous-groupes. Le plus large groupe en termes d’actifs est constitué de banques privées nationales –sept banques qui représentent près des deux tiers des actifs du secteur bancaire. Le deuxième sous-groupe est composé de cinq banques publiques, représentant environ 19% du total des actifs. Le troisième sous-groupe est composé de sept banques, majoritairement à capitaux étrangers. Elles représentent environ 16% des actifs du secteur bancaire.

Incident négatif
Toutes les banques, sans exception aucune, suivent un modèle économique traditionnel basé sur la distribution des crédits et leur forte dépendance des dépôts de la clientèle. Cette capacité d’emprunt peut être sérieusement affectée du fait que les producteurs agricoles et les éleveurs pourraient subir des pertes économiques importantes en raison des sécheresses successives et deviendraient ainsi insolvables. Une part importante des prêts bancaires est accordée aux zones affectées par la sécheresse.

En raison des fréquentes sécheresses consécutives au changement climatique, de grandes parties du Maroc connaîtront une réduction significative de la production agricole, en particulier pour les cultures pluviales telles que le blé. Sur la base des données du système d’indice de stress agricole, les provinces/ préfectures avec la fréquence historique de sécheresses graves la plus élevée au cours de la période 1984-2022 comprennent Essaouira, Chichaoua, Marrakech et El Kelâa Des Sraghna dans la région de Marrakech-Safi, et Taroudant et Tiznit dans la Région de Souss-Massa.

Ces domaines représentent plus de 14 % des prêts en dehors de Casablanca et de Rabat. Eu regard aux raisons évoquées, les agriculteurs et les agroindustriels pourraient se trouver en défaut de paiement, ce qui est susceptible d’augmenter l’assiette des impayés des banques. En sus de cela, «Les catastrophes naturelles pourraient affecter aussi les propriétés, les actifs des entreprises, le patrimoine des ménages et les bénéfices des entreprises, ce qui pourrait à son tour réduire la capacité des emprunteurs à assurer le service de la dette», explique-t-on.

Cela signifie aussi que les banques en interaction avec le secteur agricole pourraient être directement affectées par les risques physiques climatiques. Celles exposées à d’autres domaines liés à l’agriculture via la chaîne de valeur (dont l’agroalimentaire et le tourisme) pourraient également être affectées. Ce n’est pas tout. Les inondations pourraient également avoir un incident négatif sur le secteur bancaire, par la réduction de la valeur des actifs et des propriétés, ainsi que par les conséquences sur les infrastructures. Quant aux risques de transition, le rapport explique qu’il s’agit de problèmes causés par le passage à une économie plus propre, avec des retombées négatives pour le secteur bancaire au Maroc.

En outre, insistent les rédacteurs du rapport, l’impact des risques climatiques sur le secteur bancaire pourrait être largement sous-estimé en raison du besoin en données et à l’incapacité de prendre en compte les liens complexes entre les enjeux climatiques, financiers, impacts sociaux et macroéconomiques. En guise de conclusion, le rapport met en exergue une série de recommandations pour soutenir davantage l’évaluation et la gestion des risques financiers liés au climat pour le secteur bancaire.

Gestion des risques
À l’avenir, note-t-on, Bank Al Maghrib est appelée à améliorer continuellement sa compréhension et sa gestion des risques financiers liés au climat à travers une analyse plus approfondie. Cela peut se faire via un test de résistance prudentiel. Cela nécessitera de collaborer avec le secteur bancaire pour développer des indicateurs des principaux risques climatiques, tant au niveau institutionnel que systémique.

Par exemple, l’analyse de la sécheresse quantitative présentée dans ce rapport s’est principalement concentrée sur les impacts de la sécheresse sur les secteurs agricoles et connexes. Des travaux futurs pourraient tenter de quantifier les impacts de la sécheresse sur d’autres secteurs, et via d’autres modes de transmission, avec des épisodes de sécheresse extrêmes potentiellement directs et indirects affectant un large éventail de secteurs.

Il est également question de collaborer avec les ministères et les autorités de tutelle, afin de définir des orientations prospectives en matière de climat. Le tout pour une meilleure prévision des risques et de leur impact sur le secteur financier en général et bancaire en particulier, véritable financeur de l’économie nationale dans sa globalité et particulièrement du secteur agricole.

Articles similaires