Freud parlait de «pulsion de mort», c’està- dire cette tendance presque innée qu’ont les Hommes à donner le primat à leur jouissance immédiate, ou plutôt, à proprement parler, la satisfaction de leurs besoins présents, au point d’en oublier parfois les causes finales d’une quête aussi irréfrénable et irréfrénée. Eros et Thanatos, les principes de plaisir et de mort dans la mythologie grecque antique, sont d’ailleurs au centre d’une grande partie de ses écrits.
Quel rapport, vous demandezvous sans doute, avec l’actualité? A Paris, la capitale de la France, où se tient jusqu’au vendredi 11 décembre 2015, la 21ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements climatiques «COP21», les fanas de psychanalyse avaient certainement à l’esprit ce vieux concept freudien. Alors qu’il s’agit, en effet, de limiter l’augmentation de la température terrestre à 2°C au maximum d’ici l’an 2100 sous peine de condamner davantage l’équilibre fortement entamé de l’écologie de la planète, les principaux pays émetteurs de gaz à effets de serre, à savoir la Chine (22% des émissions) et les Etats- Unis (13%), ne cessent d’invoquer l’impératif économique.
Il en va, plaident-ils, du maintien de leur taux de croissance, déjà sur la pente descendante, surtout dans le cas de l’Empire du Milieu, malgré des pourcentages à faire frémir encore un Chicago Boy (6,9% au troisième trimestre de l’année 2015). Partant, tous deux refusent de se plier à un éventuel accord juridique contraignant, qui d’après eux pourrait hypothéquer, dans l’immédiat, leur avenir (lire par ailleurs).
Ne serait-ce cependant pas de l’avenir de l’ensemble de l’humanité qu’il s’agirait en fait? D’après certaines études, nous serions déjà condamnés. L’agence spatiale américaine «NASA» annonçait même, début 2014, l’échéance pour l’an 2040. Une précision à faire froid dans le dos.
Comment en sommes-nous arrivés là? Spécialiste de l’évolution animale, donc aussi humaine, l’Américain Jared Diamond a, ces dernières années, consacré une série d’ouvrages à l’Histoire de notre espèce, sous l’angle original de l’écologie. Sa thèse principale? L’Homme serait, par nature, un animal suicidaire. Les exemples abondent, dans ce sens. De l’île de Pâques aux Vikings d’Amérique du Nord en passant par les Mayas, des civilisations jadis florissantes se sont toutes effondrées (le magnum opus de M. Diamond s’appelle d’ailleurs «Effondrement», publié aux Etats-Unis en 2006) après avoir, souvent, exploité à outrance leur environnement écologique direct, si ce n’est voisin lorsqu’il s’agissait d’expéditions militaires menées tambour battant aux quatre coins du monde. Dans le jargon scientifique, on parle d’écocide, c’est-àdire, quasiment, la désagrégation presque programmée de Mère Nature. «Jamais, de son Histoire, l’Homme n’avait causé des dégâts d’une telle ampleur, et à une telle échelle», soutient-il.
La solution serait-elle alors de sortir complètement de la croissance? Un large mouvement appelé «objecteurs de croissance», mené notamment par Hervé Kempf, ancien journaliste du quotidien français «Le Monde» et aujourd’hui à la tête du webzine environnementaliste engagé «Reporterre», en appelle de tous ses voeux. Comment, en effet, persister à croire en une croissance exponentielle, indéfinie, sachant bien la limitation des ressources de la planète? Ne serait-il pas temps d’en finir une fois pour toutes plutôt avec le mythe de l’homo consumericus, réduit à consommer, sinon à produire au profit des autres? Un tel rythme serait-il d’ailleurs soutenable pour la planète? L’on peut d’ores et déjà, sans doute, présumer que non. Il nous faudrait, à coup sûr, le cas échéant, chercher une autre maison que la Terre, pour ce faire.