CES TALENTS QUI QUITTENT LE MAROC

L’ENSEMBLE DU TISSU ÉCONOMIQUE RISQUE DE SE FRAGILISER À CAUSE DE LA DÉPERDITION DES TALENTS.

Chaque année, ils sont environ 600 ingénieurs à quitter le Royaume à destination de l’Europe et de l’Amérique du Nord, selon les statistiques officielles. L’ampleur du phénomène d’expatriation est tel que sur l’ensemble des cerveaux maghrébins qui partent en Europe, 46% sont des compétences marocaines et rien qu’en 2018, plus de 10.000 cadres hautement qualifiés ont quitté le Maroc pour d’autres pays.

Cette envie d’expatriation touche plus particulièrement les lauréats des grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce. Ils visent le plus souvent des groupes internationaux qui leur offrent la possibilité de s’installer ailleurs. Cherchant à être pris en stage, plusieurs d’entre eux, notamment dans le domaine de l’informatique, se voient déjà à la tête d’une start-up. Aujourd’hui, près du tiers des lauréats ont signé un contrat à l’étranger avant leur sortie d’école. C’est une tendance structurelle de fuite des talents qui va continuer, puisque la demande émanant des pays industrialisés est de plus en plus forte.

Cet exode des talents marocains, surtout ceux du secteur IT, est de plus en plus préoccupant. Préoccupant non seulement pour les employeurs qui ont investi en temps et en formation, mais aussi pour l’ensemble du tissu économique marocain, qui risque de se fragiliser à cause de la déperdition des talents. Or, ce tissu économique, constitué à 95% de PME, peine à évoluer. La majorité de ces PME sous-estiment les compétences des profils qu’elles souhaitent recruter. Elles veulent, le plus souvent, des profils expérimentés, mais ne leur proposent que des salaires oscillant entre 6.000 dirhams et 9.000 dirhams. De tels niveaux de salaires ne sont généralement acceptés que par des débutants ne pouvant pas assurer des missions de seniors. Le réel problème de l’entrepreneur marocain est qu’il ne veut pas rémunérer les compétences à leur juste valeur. Seul un changement de mentalité permettra de prendre au sérieux les nouvelles tendances qui pointent à l’horizon du marché du travail. Un marché de plus en plus mondialisé à l’ère des progrès technologiques exponentiels marqués au sceau de l’intelligence artificielle, du big data, de l’internet des objets et des blockchains.

Seule une nouvelle approche de gestion des ressources humaines peut apporter de réelles solutions à la pénurie des talents que connaît le Maroc. Au–delà de la question des rémunérations, qui ne sont pas, le plus souvent, à la hauteur, même dans nos grands groupes privés et publics, la plupart des profils qui s’expatrient le font pour bénéficier d’un cadre de travail et d’évolution de carrière plus favorables. L’entreprise marocaine, quelle que soit sa taille, si elle veut fidéliser ses collaborateurs, doit tout faire pour répondre à leurs aspirations et à leurs besoins d’épanouissement de façon individuelle, ce qui ne peut que leur apporter une forte confiance en eux-mêmes, envers leur entreprise et envers leur pays. Nos compétences ont, donc, plus que jamais besoin de projets stimulants pour les dissuader de quitter leur employeur ou leur pays pour accomplir leur rêve.

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