Rapport du HCP sur les indicateurs sociaux

Le portrait d'une famille marocaine en mutation

Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire. L’histoire du jeune Mohammed. C’est aussi l’histoire d’une génération un peu égarée et d’une famille marocaine qui a perdu les contours familiers d’autrefois.

Originaire de Tafraout, d’ Asni, de Beni Drar, d’Itzer ou d’un autre village du Maroc oublié et inutile... Mohamed, et comme tant d’autres jeunes de sa génération, a pris la décision de quitter le rural pour la promesse d’une vie meilleure dans la métropole bouillonnante de Casablanca. Sa valise, lestée d’affaires mais lourde d’aspirations, roule à ses côtés et marque chaque pas vers un futur incertain.

Selon les indicateurs sociaux du Maroc, édition 2024, du Haut-Commissariat au plan (HCP), la population du Maroc est passée à 37,02 millions en 2023, avec un taux d’urbanisation qui a grimpé à 64,8%. Mohammed est ainsi un chiffre parmi tant d’autres poussés par la même nécessité. Les villages comme le sien se vident et perdent leurs jeunes au profit des villes, en quête d’opportunités d’emploi et d’éducation que la terre de leurs ancêtres ne peut plus offrir à cause des conditions climatiques de plus en plus désastreuses, mais aussi à cause de l’échec de certaines politiques.

Par exemple, malgré les ambitions élevées du Plan Maroc vert (PMV) puis du plan «Génération Green 2020-2030», qui place l’humain au coeur de ses préoccupations en visant notamment à revitaliser les zones rurales, les résultats semblent peiner à se concrétiser. L’un des objectifs principaux du plan était de dynamiser la jeunesse rurale et de contribuer à l’émergence d’une classe moyenne agricole, mais l’exode rural continue d’accélérer.

Ainsi, face à cette situation, Mohammed avait toujours pensé que poursuivre des études supérieures était son billet pour une vie meilleure. Cependant, la réalité s’est avérée plus complexe. Malgré l’augmentation des diplômés, avec 15,1% des actifs ayant une formation supérieure en 2022, contre 11,8% en 2015, le marché du travail ne semble pas prêt à les accueillir. Le taux de chômage parmi ces jeunes diplômés reste désespérément élevé, avec un pourcentage qui dépasse les 20%, alors que la moyenne générale du chômage pour le pays est de 15%. Cette situation devenait chaque jour plus palpable pour Mohammed, qui ressentait un décalage croissant entre ses efforts académiques et les réelles perspectives d’emploi.

Plus il étudiait, plus il semblait que ses chances de trouver un travail décent s’évaporait. Ainsi, même à Casablanca, Mohammed se trouvera encore confronté à une nouvelle réalité. Une ville immense, un dédale de possibilités mais aussi d’obstacles. Une compétition féroce pour les emplois, et un coût de la vie en constante augmentation. Une situation qui pousse Mohammed, même s’il souffre d’une solitude atroce dans cette nouvelle ville et qu’il porte dans son coeur un grand amour pour Rania, son ancienne camarade de classe, à ne pas penser au mariage. Un fardeau économique en plus, dont il ne peut pas encore faire face à ses 26 ans.

En effet, l’âge moyen au premier mariage a augmenté également, en milieu urbain, cet âge est passé à 31,9 ans pour les hommes selon le HCP. Puis, même quand il va se marier, rares sont les chances d’avoir la famille dont il a toujours rêvé. Dans son village, la structure démographique s’est transformée de manière palpable. Les familles qui comptaient autrefois quatre ou cinq enfants ne sont plus. L’Indice synthétique de fécondité au Maroc a diminué, passant de 2,21 enfants par femme en 2014 à seulement 2,05 en 2023.

Et quand Mohammed va réussir à trouver un job pour réaliser tous ces rêves, la disparité dans l’emploi va encore l’impacter. En 2022, les hommes représentaient 77,4% des actifs, tandis que les femmes ne comptaient que pour 22,6%, selon le HCP toujours. Mohammed a vu sa mère et ses soeurs mener une bataille quotidienne pour la reconnaissance et l’équité. Leurs chemin restent toutefois encore plus loin que le sien.

C’est la réalité amère que dépeint le dernier rapport du HCP. Une jeunesse marocaine instruite mais marginalisée et une structure familiale traditionnelle qui s’érode, laissant peu de place à l’espoir d’un avenir plus prospère.

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